9 octobre 2010

Extraits de Malaisie (1930)

Henri Fauconnier, Malaisie (1930)

Quelques passages me paraissent décrire ce que je vois/ressens...


(Sur la pluie)


« Il pleut beaucoup en Malaisie, mais on n’y connaît pas de jours maussades. Le ciel exulte, on pleure à très chaudes larmes. Souvent, le soir, vers quatre heures, un voile noir bien tendu monte de l’horizon. Si tendu qu’en passant sur nos têtes il se déchire et s’effiloche. Alors on entend le vent venir, et la pluie traîne sur les plaines derrière lui comme un vent plus lourd qui gronde. Tout à coup les stores battent, le toit crépite, l’univers rayé disparaît. La maison, isolée dans une nappe d’eau mouvante, est comme un sous-marin qui remonterait vite à la surface. »

(Et sur le temps)


« Et pourtant, dans mon souvenir, ce séjour à Bukit Sampah ne m’apparaît pas comme une époque de mon existence. J’ai l’impression d’avoir, au bord de la jungle, habité l’éternité. En Malaisie, les saisons diffèrent à peine. On ne meurt pas un peu chaque année, comme en Europe à la fin de l’automne. On ne s’inquiète plus de la date, ni de l’heure. On perd l’habitude de découper sa vie en petites parcelles pour les recoudre au tic-tac d’une montre. Seul le contraste des jours et des nuits pourrait attester que la terre n’a pas cessé de tourner. […] Il me faut faire un effort pour situer mes souvenirs sur un damier. »