12 janvier 2010

Pour vos petites oreilles : des contes vietnamiens

Découvrez la playlist contes viets avec Bernadette Le Saché, Viêt Thanh, Ngan Ha, Kim Chinh


La force des mythes - 20/10/2008,
Le Courrier du Vietnam



Dans les rues bondées de New York, Joseph Campbell a vu resurgir des mythes très anciens de l'humanité. Cet illustre mythologue américain pense que les mythes permettent de saisir les potentialités spirituelles de la vie humaine.

Dans l'Occident postindustriel, démythifié par la mentalité scientiste et le consumérisme, les mythes sont l'affaire des conteurs pour enfants, des anthropologues et des agences de tourisme, offrant une riche matière aux festivals folkloriques.

Au Vietnam, les mythes non seulement survivent, mais vivent intensément dans la vie quotidienne. Donnons-en quelques exemples dans les pratiques populaires : la chique de bétel pour exprimer l'amour et consacrer le mariage, les pains bánh giày et bánh chung du Nouvel An lunaire représentant le ciel rond et la terre carrée, la fête printanière du village de Giong et les Olympiades scolaires commémorant les exploits du Génie vainqueur des envahisseurs du Nord, les cérémonies en l'honneur du Génie de la Montagne dont la lutte contre le génie des eaux défend la population contre les crues annuelles du fleuve Rouge.

Dans leurs appels pathétiques au peuple, les chefs de divers mouvements de résistance contre l'occupant étranger, y compris Hô Chi Minh, n'ont pas manqué d'évoquer les rois semi-légendaires Hùng, descendants de l'union du Dragon avec la Fée.

Les mythes ne cessant de hanter l'imaginaire d'un peuple paysans (70% de la population vit à la campagne) dont les travaux agricoles, très peu mécanisés, ne s'écartent pas de la tradition. Le syncrétisme religieux (animisme, bouddhisme, confucianisme, taoïsme), qui nourrit la vie spirituelle des neuf-dixièmes de la population, est émaillé de mythes, ce qui assure leur pérennité d'autant plus que l'après-guerre connaît un véritable regain de foi.

Quelles sont les religions dominantes du Vietnam ? Le chercheur canadien Bruce Matthews en cite 2 : le bouddhisme et le catholicisme. Notre amie Kristin Pelzer de l'Université de Hawaï souligne au contraire l'importance des croyances autochtones très anciennes. Elle épouse le point de vue du père Cadière, éminent vietnamologue, selon lequel la religion des Vietnamiens consiste avant tout en un culte proliférant des esprits, des génies et des ancêtres. L'animisme vietnamien est proche du shintoïsme japonais (Shinto = Voie des génies) voué au culte des esprits régissant les forces de la nature et ceux des ancêtres.

Peuple riziculteur, les Vietnamiens pratiquent le culte de fécondité dont l'une des expressions est le mythe des Déesses-Mères (tho mâu) qui date des temps immémoriaux. On attribue à la femme le pouvoir de communiquer à la terre son pouvoir de fécondité. Jusqu'à ce jour, les femmes transplantent le riz et non les hommes. Comme la culture du riz demande un ciel favorable (pas d'intempéries), une terre fertile et de l'eau en abondance, se sont créées les Déesses-Mères du Ciel, de la Terre et de l'Eau auxquelles est venu s'ajouter la Mère des Montagnes et Forêts.

La cérémonie-clé du culte des Déesses-Mères est le hâu bóng (rite de possession) au cours duquel la femme-médium, possédée tour à tour par des divinités différentes, danse et entre en transe distribuant des faveurs aux fidèles et guérissant des malades par l'exorcisation. Il existe une branche secondaire de ce culte réservé aux hommes médiums et présidé par le général Trân Hung Ðao, vainqueur des Mongols au 13e siècle.

Un second culte mythique est celui des ancêtres. Morts, les membres de la famille continuent à vivre sous forme d'esprits parmi les vivants mais invisible pour eux. Ils apportent à ces derniers heurs (aide et protection, bonheur) et malheurs (maladies, accidents) au cas où ils ne bénéficient pas d'un culte décent. Presque tous les Vietnamiens, confucéens, bouddhistes, taoïstes, même athées, communistes et catholiques (depuis Vatican II) pratiquent le culte des ancêtres, ce qui explique l'importance de la famille en dépit de la détérioration des liens familiaux face au défi de la modernité à l'occidentale.

Les génies présents dans tous les foyers sont ceux de la Cuisine (Trinité composée d'une Déesse et de 2 Dieux) qui suivent de près les activités de la famille pour en faire un rapport annuel à l'Empereur du Ciel avant le Têt. On honore parfois aussi le Dieu de la Richesse, le Seigneur Tigre, le Génie de quelque arbre séculaire du jardin, etc.

Chaque village a une maison communale dédiée au culte de son génie tutélaire. À l'échelle nationale et locale, les génies se divisent en 3 classes : la première comprend les génies d'origine divine tels que le génie Tan Viên de la montagne, le génie guerrier Gióng et les génies d'origine humaine mais remarquable par leurs services rendus à la Patrie tels que le général Trân Hung Ðao, le médecin Lan Ông, etc.
La deuxième classe comporte les génies d'importance régionale ou villageoise. La troisième classe est réservée aux génies d'origine vague ou aux exploits peu remarquables. Les génies sont adorés dans des temples spéciaux (dên, miêu), sans parler des maisons communales de village (dình).

Dans le village, cellule de la société traditionnelle, coexistent d'une part la maison communale régie par l'ordre confucéen de la raison, d'autre part la pagode bouddhique et des temples de Déesses-Mères qui représentent la compassion et la communion. Ainsi se réalise l'équilibre psychique chez les paysans grâce au dialogue constant entre la tête et le coeur.
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Huu Ngoc/CVN
(19/10/2008)

1 janvier 2010